► Laboratoire graphique avec Eltono 
L'empreinte est un thème récurrent dans mon travail. En galerie, je travaille essentiellement autour de l'idée d'interaction entre l'œuvre et l'espace public,et l'empreinte, la trace,occupent une place prépondérante dans ma démarche. Je l'utilise autant comme témoignage d'une performance que comme résultat esthétique, souvent incontrôlé. Dans le cadre d'une intervention au sein d'une collectivité, l'empreinte est un excellent moyen pour que les usagers laissent une trace de leur passage et de leur appropriation du lieu. Mon travail visuel étant principalement abstrait, j'imagine un protocole dans lequel les participants enregistrent un geste (avec de la lumière par exemple, comme dans le « light-painting »). Ce geste est ensuite transcrit numériquement en une forme abstraite et découpé dans un panneau de bois à l'aide des machines du fablab.
Chaque geste est ensuite poncé et peint, pour finalement être accroché. Plutôt qu'une grande œuvre installée en un lieu précis, je propose la dissémination de plus petites œuvres à travers différents endroits de la collectivité, dans des lieux porteurs de sens pour les participants.
Ces œuvres auront le pouvoir de créer des rencontres œuvre/spectateur plus intimes et personnelles.
Xavier Eltono

► Laboratoire chorégraphique avec Emilie Camacho
Cie Projet Ra.Re : Le corps au coeur d’une pensée élargie, sensible et responsable

« J'ai cette accointance de faire des créations avec les non-danseurs parce que c'est, pour moi, un des endroits les plus purs de déploiement de la créativité humaine. Pourquoi ? Justement parce que très peu d'empreintes artistiques s'y sont déposées. Les schémas de processus créatifs sont peu inscrits dans les esprits et les corps des jeunes générations. Alors on peut tisser ensemble de nouveaux chemins, et en détisser d'autres, à la manière de Pénélope. La ruse donne un résultat qui nous surprend, nous artistes, mais surtout eux, les collégiens.
En juin, je terminais une adaptation du récit de l'anthropologue Nastassja Martin "Croire aux Fauves" avec des Terminales. L'ours avec qui elle luttera, laissera des cicatrices à vie sur son visage, mais surtout créera des empreintes visibles à partager, comme son récit, ou invisibles, comme le fait de se sentir "Mietka", mi-femme mi-ours. La notion d'empreinte a fait tout suite appel en moi au travail de mémoire visible et invisible. Une des grandes compétences du danseur est d'aller convoquer cette mémoire enfouie comme trésor à partager à nouveau. À partager dans un autre espace-temps.
Comment mes souvenirs peuvent s'ancrer gestuellement dans le réel et dans mon environnement ? Comment un corps peut mémoriser la forme de l'autre et la reproduire ailleurs, plus loin plus tard ?
Comment le corps marque parfois la présence douce d'une chaussette ou plus marquée d'un coup ? Et comment parfois même il transforme les mots en empreinte visible quand je rougis par exemple ?
Comment un corps peut se modifier pour intégrer un espace connu comme l'architecture d'un collège et le rendre sensible, mais surtout comment je peux prendre conscience que l'impact de la gravité, concrètement, que le sol que je foule, est mon meilleur ami, que j'y laisse mon empreinte, et que lui s'imprègne en moi ?
Ainsi cette notion me donne envie de mettre en lien le corps conscient et maître de son mouvement, avec son environnement naturel ou architectural. D'utiliser l'image photographique ou vidéo, grâce aux téléphones portables que les élèves possèdent. De mettre en lien ces chorégraphies avec les récits qu'on pourrait enregistrer, des narrations d'autofiction ou du réel. Ainsi, créer des ponts, visibles, entre corps en mouvement, environnement, images, récits et éloquence.
Emilie Camacho