Installée à Meyrals, au cœur du Périgord noir, la galerie d’art Le Domaine Perdu célèbre cet été ses 30 ans d’existence.
À cette occasion, le Conseil départemental de la Dordogne a souhaité s’associer à l’événement en invitant Chrystel et Bruno Lajoinie – fondateurs et animateurs du lieu – à présenter au château de Biron une sélection d’œuvres issues de la collection qu’ils ont patiemment constituée en parallèle de leur activité de marchands d’art, avec la collaboration active de leurs fils, Antoine et Théo. L’exposition Éperdument réunit 72 œuvres offrant un aperçu fidèle de la diversité et de l’esprit de la collection BACT.L*.
(*Bruno Antoine Chrystel Théo. Lajoinie)
FIGURATION DE SYNTHÈSE
La figuration dite « de synthèse » occupe une place de choix dans la section moderne de la collection BACT.L. Parmi les premiers achats effectués par Chrystel et Bruno Lajoinie dans les années 1980 et 1990, beaucoup sont dirigés vers les représentants de ce mouvement issu de la Deuxième École de Paris.
L’expression « Figuration de synthèse » est employée pour la première fois au début des années 1950, sous la plume d’une critique soucieuse de mettre de l’ordre dans une scène artistique marquée par sa diversité.
Elle désigne une esthétique fondée sur la réappropriation et la « synthèse » des deux grands courants picturaux français du début du XXe siècle : le fauvisme et le cubisme.
Parmi les figures historiques du mouvement, on retrouve Georges Dayez, Camille Hilaire, Marcel Mouly, Jean Marzelle, Jean Cluseau-Lanauve, Claude Schürr et Jean Chevolleau. Leurs œuvres partagent un goût prononcé pour la géométrisation des formes et une palette le plus souvent flamboyante.
PHOTOGRAPHIE HUMANISTE
Chrystel et Bruno Lajoinie s’intéressent à la photographie avant même de se tourner vers la peinture. Curieux de toutes les formes de représentation – qu’il s’agisse de photographie plasticienne ou de photographie classique –, ils affichent néanmoins très tôt une attirance particulière pour le mouvement dit « humaniste ».
L’expression « photographie humaniste » désigne un courant apparu dans les années 1930-1940, qui place l’être humain et son inscription dans le monde au cœur de ses préoccupations. Son apogée survient au début des années 1950, porté par un profond besoin de redécouvrir et de célébrer la dignité humaine, après l’horreur de la Seconde Guerre mondiale.
Les photographes humanistes développent une approche nouvelle de l’image – informelle, souvent empreinte de tendresse, parfois teintée d’ironie – oscillant entre empathie idéaliste et constat documentaire.
Le mouvement est essentiellement français et trouve son ancrage dans la scène parisienne, avec des figures majeures telles que Robert Doisneau, Willy Ronis, Édouard Boubat, Izis, René-Jacques, Janine Niépce, Sabine Weiss, Denise Colomb et Yvette Troispoux.
Si de nombreux spécialistes estiment que le mouvement « historique » prend fin en 1968, année marquée par les événements de Mai qui bouleverseront notre rapport à la vie et à l’image, une nouvelle génération de photographes s’inscrira dans cet héritage à partir des années 1970. Parmi les plus représentatifs, citons le Franco-Américain Peter Turnley (ancien assistant de Robert Doisneau) et le Français Michel Sfez, qui perpétuent, chacun à leur manière, l’esprit de la photographie humaniste.
ART CONTEMPORAIN
Traquer la beauté et le mystère partout où ils se nichent, sans se soucier des a priori, des étiquettes ou des chapelles : telle a toujours été la philosophie de Chrystel et Bruno Lajoinie en matière d’art. Cette approche explique sans doute la diversité actuelle de leur collection.
La section contemporaine du fonds BACT.L embrasse un large éventail de styles, de techniques (estampe, dessin, peinture, sculpture…) et de territoires d’exploration.
Une figuration quasi-photographique (John Mirabel, Fabrice Thomasseau…) y côtoie une abstraction radicale (Michèle Destarac, Thibaut de Reimpré, Gérard Traquandi…), tandis que des artistes de renommée internationale (Pierre Alechinsky, Claude Viallat, Gérard Garouste…) dialoguent avec des plasticiens émergents ou à l’audience plus confidentielle.
À première vue, il semble difficile de discerner un dénominateur commun reliant ces propositions et ces parcours si variés.
Pourtant, un fil conducteur émerge très vite, subtil mais puissant : une poésie teintée d’élégance – une élégance qui, bien souvent, rime avec silence et dépouillement.
Aux œuvres parfois bavardes, crasseuses ou provocantes, Chrystel et Bruno Lajoinie, aujourd’hui accompagnés de leurs fils, préfèrent des créations plus discrètes, plus délicates, qui interrogent les sens en profondeur et nourrissent durablement l’imaginaire.